Valentin Defaux
Après Lothar
Une exposition de Valentin Defaux
11 février-1er avril 2023
Après Lothar, J+1. Noir total, plus un kilowatt-heure n’arrive au village. Les arbres sont couchés sur les routes et la rivière a débordé. Les anoures quittent les berges et viennent envahir la cour, le garage et la cave. Ils finiront par quitter les lieux mais désormais il ne sera ni rare, ni étonnant d’en retrouver de-ci de-là cachés dans l’angle d’une pièce.
Après Lothar, J+8448 [11 février 2023]. Tout s’est mis à sombrer lentement, les matières s’érodent, les objets régressent, même le bâti semble différent. Ici s’opère une relecture de l’espace et de ses fonctionnalités, les cloisons décomposées murmurent le scénario d’une douce dégringolade.
L’exposition de Valentin Defaux à L’attrape-couleurs réinterprète un événement vécu : la tempête Lothar, qui a ravagé la France en décembre 1999. En interrogeant les limites entre mémoire et imagination, il amorce une fiction qui se déploie dans l’espace d’exposition en mêlant geste architectural et sculptures en céramique pour offrir au visiteur une expérience symbolique.
Composée de trois éléments forts, l’installation de Valentin Defaux agit sur plusieurs temps. Le temps présent du déplacement du visiteur et le temps passé de la mémoire. Ce dernier sert de support narratif et se déploie en plusieurs strates. L’espace d’exposition qui ne répond pas aux critères du white cube, n’est pas atemporel. Les traces du passé du lieu sont encore bien présentes et c’est avec ces particularités que la proposition de Valentin Defaux a été imaginée. La structure, une architecture dans l’architecture, révèle une gamme colorée qui tire vers un beige passé, par l’emploi du matériau isolant brut et de bois peint, et renvoie ainsi à la palette de l’espace d’exposition.
À la fois intégrée et en rupture (la précarité contrastant avec la pérennité du béton de la tour panoramique), cette construction interroge les notions d’intérieur et d’extérieur, contraint le visiteur physiquement et met en scène un univers, lui, hors du temps.
Au fur et à mesure, on découvre ici et là, disséminé dans la salle d’exposition, un ensemble de céramiques émaillées représentant une colonie de crapauds. Créée à partir d’un souvenir d’enfance, l’installation se réfère à la dimension symbolique attachée à l’animal annonciateur de catastrophes. Des contes médiévaux jusqu’à la tempête Lothar, ces créatures entretiennent leur aura mystique. Cet ensemble, qui s’inscrit dans la tradition de la sculpture animalière, donne à chaque élément une expression et une gestuelle singulière. Ces formes colonisent l’espace d’exposition et induisent une déambulation : on cherche, on découvre, et on cherche encore. Au mur, la Fontaine de jouvence, permet à quiconque de s’offrir une fiole d’eau-de-vie distillée par l’artiste – et sa famille – dans son village natal de Meurthe-et-Moselle. Les contenants sont disposés dans le distributeur, du millésime le plus récent au plus ancien, comme une façon de remonter le temps.
Et que dire si l’on vient à vider le contenu de ces fioles. De la consommation d’alcool fort aux crapauds qui sécrètent une molécule psychotrope jusqu’au passage étroit que l’on peut appréhender comme un espace rituel symbolique, l’exposition s’appréhende ici dans sa dimension hallucinatoire. C’est donc avec un travail généreux et ambitieux, non dénué d’humour, que l’exposition de Valentin Defaux joue de nos différentes perceptions.
Crédit photos : Valentin Defaux