L’expérience physique de la vue a lieu souvent à l’écart, sinon à l’opposé du fonctionnement rationnel du regard, celui du monde des significations, prédominant, dont nous sommes prisonniers. En effet, comment regarder, sans tout de suite donner un sens à ce qui est regardé, un nom, une raison. Ou encore – le relier à une référence, à une autre chose déjà vue. Toutes ces opérations, si naturelles et spontanées soient-elles, devient dans l’instant même de la réalité physique, atomique, lumineuse de ce qui remplit les yeux. Ainsi une partie de la vue, sa partie substantielle et silencieuse, est effacée au profit de l’autre, qui parle et signifie. Une partie du visible se transforme ainsi en invisible pour les yeux qui cherchent à en détacher la signification. Ce décalage flagrant entre voir et savoir est le terrain de cette exposition.
A la hauteur des yeux est installé un horizon de luminosité altérée, tel un creux dans la surface de l’espace, son antinomie, son hors image. En lui apparaissent et disparaissent les traces de lumière, dans un dialogue avec l’invisible.
L’invisible est multiple – il contient ce que ne voit pas le regard lisant, car il préfère la traduction mentale à la langue de lumière, puis ce que l’oeil humain ne peut percevoir – les particules en mouvement ou les longueurs d’ondes dépassant le spectre solaire.
L’invisible voile autant ce qui échappe à la vue que ce qui échappe à la raison. Comme le visible dont la projection dans la pensée occupe l’imaginaire, l’invisible est aussi en relation avec une part de la conscience. Une présence sensible qu’on éprouve sans preuves. Une question d’innommable.